BLEEDER: VHS, GRUNGE, SOCIOPATHES
bleeder , sortie initiale en 1999, realise par Nicolas Winding Refn
Une corde et un tabouret s'ilvouplé
Ca casse pas trois pattes à un canard
Elève studieux, peut mieux faire
Chair de poulasse, les yeux qui piquent
Larmichettes, frissons, collé au siège
Bienvenue dans la Finlande des années 90 ! Pour les plus jeunes, il est nécessaire de vous expliquer ce qu’est une « VHS » et le « grunge » par contre vous savez mieux que moi ce qu’est un sociopathe, je dirai même que « jeune sociopathe » est un pléonasme.
La VHS désigne l’expression anglaise Vidéo Home System, en gros c’est une cassette vidéo qui au temps de Jean-Pierre Papin permettait d’enregistrer ou de visionner un contenu vidéo via un appareil merveilleux qu’on appelle « le magnétoscope ». Peut-être que dans ton grenier, toi le jeune qui mate Game of Thrones en streaming, tu trouveras ce type d’engin soigneusement emballé au côté d’une cassette des dents de la mer, des Goonies ou de piège de cristal. N’aie pas peur. Ne sois pas impressionné par le visage plein de cambouis de Bruce Willis. Tente l’expérience de la VHS et de ce grain visuel et audio unique, résultat du travail des plus grands ingénieurs du siècle dernier en l’occurrence ton père qui passa des heures entières à enregistrer le porno de canal plus chaque dernier samedi du mois sur la même cassette vidéo dont l’étiquette indiquait « Documentaire historique sur Jeanne D’arc » pour tromper ta mère.
Le grunge est un genre musical tiré du rock qui apparut dans les années 80 principalement dans la région de Seattle (Aux USA, pas en Franche Comté, va falloir revoir les bases du BEPC). Pour comprendre cette musique particulière, je t’invite à écouter Nirvana, Pearl Jam ou Alice in Chain, tu réduiras par la même occasion le trou de la sécu à force de saigner des oreilles chez ton ORL à chaque écoute de Booba.
Maintenant que tu es un peu plus culturé, il est de temps de passer aux choses sérieuses.
Bleeder c’est donc un film finlandais de 1999 réalisé par Nicolas Winding Refn. Nom de Zeus Marty ! Qu’est-ce qu’il vient nous casser les noisettes avec un truc de 1999 d’un réalisateur qui a le même nom que les boulettes de rennes au caca d’Ikéa ??? . Bon sachez tout d’abord que le caca n’a pas été retrouvé dans les boulettes de rennes mais dans les tartes aux amandes au nom raffiné « Chokladkrokant », rien que le nom donne envie de poser une pêche. Les boulettes de rennes elles, contenaient également du cheval mais ce n’était pas indiqué sur l’étiquette, pas de quoi nous ramener Syd Barret. Ce film est certes sorti en 1999 mais à cette époque son réalisateur n’avait pas encore la renommée qu’il eut quelques années plus tard en sortant Drive en 2011, Only God Forgives en 2013 ou The Neon Demon en 2016. Je vois ton visage boutonneux s’illuminer. Ryan Gosling, lui tu le connais petit coquin.
Le pitch ( C’est un autre mot pour dire « résumé » et non pas une brioche au chocolat) est assez simple. Copenhague, deux personnages principaux : Mads Mikkelsen (Lenny) qui travaille dans un vidéoclub et qui en pince pour Léa (Liv Corfixen), vendeuse de burgers du coin de la rue et Léo (Kim Bodnia) une armoire à glace mal rasé qui apprend que sa nana Louise (Rikke Louise Andersson) qui vit dans un appartement délabré est enceinte. Ces deux-là sont potes. Ils matent de temps en temps des vidéos au sous-sol du vidéo club avec Kitjo (Zlatko Buric) le beau-frère nazillon de Kim et le gérant de l’affaire (Levino Jensen). Ambiance film de kung-fu ou de gangsters. Rien de particulier à priori, bières, cacahuètes, on se gratte les roubignoles sauf que lorsque Léo apprend qu’il va devenir daron, il va petit à petit sombrer dans une violence auprès de sa gonzesse par peur de perdre sa virilité, sa liberté et aussi tout simplement parce qu’il ne sent pas qu’il a les épaules pour assumer un gamin ( Ou alors tout simplement parce qu’il était bercé trop près du mur et qu’il est juste complétement cinglé). En apprenant ça, son beau-frère va péter un plomb et lui faire payer en lui injectant du sang chopé sur un toxico porteur du VIH (Les enfants, surtout ne reproduisez pas cela à la maison, cette scène est réalisée par des professionnels). Je vous laisse imaginer le reste : vengeance- costard plein de sang- vie foutu en l’air. C’est pas la joie, dans la salle on cherche à se faire tout petits et on se dit que le réalisateur nous a bien niqué la gueule, on a rien vu arriver.
En parallèle à cet accès de violence, le récit déroule l’avancée de Lenny, autiste passionné de Bruce Lee, dans sa conquête de la belle vendeuse de saucisses, lui qui peine à communiquer sur autres choses qu’un film, un acteur et qui est capable de réciter d’une traite la liste des réalisateurs des cassettes présentes dans son vidéoclub.
Entre musique grunge et réalisation underground, on vibre avec les personnages parce que quelque part on connait tous quelqu’un qui tremble à l’idée d’aborder une femme qui lui plait ou qui flippe parce qu’il va devenir papa et ça fait mal au palpitant. On a juste envie d’appeler son pote et de le prendre dans ses bras pour lui dire qu’on est là avant qu’il ne sorte massacrer la moitié de la ville par frustration.
Nicolas Winding Refn décrit avec noirceur la difficulté d’être soi-même dans une société exigeante, exhibitionniste dont la norme reste la réussite professionnelle et l’obligation de rentrer dans le moule en baisant pour montrer sa virilité, en se mariant, en achetant un monospace et un labrador. Mais qu’en est-il de tous ces handicapés de la communication, ces rêveurs, timides, solitaires qui ne veulent ou peuvent pas entrer dans ce fonctionnement ? Certains arrivent aux prix d’efforts surhumains à se rapprocher de ces normes par amour, solitude ou désespoir mais d’autres pètent les plombs, un burn-out de l’âme, un monde qui n’est pas le leur ça se termine en boucherie et cette fois-ci pas de cheval dans la barquette.
En sortant de la séance, un malaise est là. La fin du film est trash, il est quand même question de vengeance, de VIH mais aussi paradoxalement d’amour. Il m’aura fallu réécouter Superunknown de Soundgarden plusieurs fois avant de me remettre de mes émotions, j’ai même ressorti mon vieux t-shirt de Cure pour me rassurer, Boy’s don’t cry….